Réflexion autour de la question : « A Green New Deal Without Growth? »

Par Sarah Wasfy, Clément Bastin, Dorian Van de Wouwer et Rémi Ercole.

Introduction

Sur base des prédictions du GIEC, les décideurs politiques débattent de la meilleure façon de décarboniser le système énergétique et des changements socio-économiques qui pourraient être nécessaires. L’objectif est de réduire les émissions mondiales à zéro d’ici 2050 pour maintenir le réchauffement de la planète en dessous de 1,5°C. L’article ‘A Green New Deal without growth ?’ de Riccardo Mastini, Giorgos Kallis et Jason Hickel, examine les forces, les faiblesses et les synergies de deux récits importants sur l’atténuation du changement climatique : le Green New Deal et la décroissance.

Riccardo Mastini est doctorant en économie écologique et écologie politique à l’Institut des sciences et technologies de l’environnement de l’Université autonome de Barcelone. Il est également membre du collectif académique Recherche & Décroissance, de l’Alliance pour l’économie du bien-être et du Centre pour l’avancement de l’économie stable.

Les auteurs s’interrogent sur la question de savoir si malgré d’importantes tensions, il serait tout de même possible d’établir des synergies et de synthétiser les approches du ‘Green New Deal’ et de la décroissance en un ‘Green New Deal without growth’. Nous avons eu l’occasion d’interroger Riccardo Mastini d’abord sur la méthodologie utilisée dans l’article et ensuite, à l’aide de questions ouvertes, approfondir la discussion autour de concepts tels que la ‘croissance verte’, la ‘post-croissance’, la ‘décroissance’ ainsi que sur l’indicateur du produit intérieur brut (PIB).

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Discussion du papier « Matter and regulation : socio-metabolic and accumulation regimes of French capitalism since 1948 » de Louison Cahen-Fourot et de Nelo Magalhães

Par Aurelia Vanandruel, Henry Van Stratum, Felix Chapelle

Le texte “Matter and regulation : socio-metabolic and accumulation regimes of French capitalism since 1948” de Louison Cahen Fourot et de Nelo Magalhães rend compte de leur travail descriptif dans un champ de recherche nouveau. Ils ont décidé d’associer deux approches qui sont celles de l’économie écologique via l’analyse des flux de matériaux et de la théorie de la régulation. A leurs yeux, l’économie écologique manquait d’une vision macro-économique, surtout institutionnaliste tandis que la théorie de la régulation a toujours ignoré les flux et stocks environnementaux. Le but de leurs recherches est d’étudier comment les dynamiques biophysiques et socio-économiques sont liées au niveau macro-économique ainsi qu’aux flux de matières. Ils ont constaté qu’il n’y avait pas de réelle dématérialisation – c’est-à-dire une baisse de consommation des matières – mais qu’en réalité les flux de matériaux ont été délocalisés. L’unique trajectoire qui connaît une faible dématérialisation est le pétrole grâce notamment au nucléaire français. Enfin, ils ont observé une correspondance des temporalités des régimes socio-métaboliques et d’accumulation. Ils donnent plusieurs raisons à cette corrélation: l’internationalisation du capitalisme français et la dépendance croissante du capitalisme français aux consommations intermédiaires des autres pays (dématérialisation de la production française). Ils concluent qu’il n’existe pas de réelle transition métabolique, mais qu’il s’agit plutôt d’une accumulation entre le fordisme et le néolibéralisme. 

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Discussion de l’article « The Ecology of Money » de Louis Larue

Par Claire Halin, Tom Scheidel et Lise Korosmezey

Introduction  

Aujourd’hui, le système économique est l’un des piliers de notre société. Presque tout est monétarisé, échangé, réfléchi en termes financiers. “Survivre” dépend d’ailleurs, entre autres, du fait d’avoir de l’argent pour pouvoir s’acheter à manger, un toit sous lequel dormir, un accès à l’électricité ou à l’eau potable. Ces flux mondiaux permanents ne cessent d’évoluer et de changer la valeur de l’argent. Les citoyen.ne.s lambda se retrouvent donc piégé.e.s dans un système bien plus grand et complexe qu’il n’y paraît et sur lequel ils.elles n’ont, à vrai dire, aucune prise. Pourtant, la Bourse n’est pas infaillible, nous avons pu le constater à diverses reprises.  

Dès lors, certain.e.s auteur.e.s ont commencé à réfléchir et à écrire sur notre système monétaire. Une nouvelle notion, nommée « The Ecology of Money » a émergé. C’est sur ce concept que notre auteur, Louis Larue, a décidé d’écrire 

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Discussion de l’article « « Qui émet du CO2 ? Panorama critique des inégalités écologiques en France » de Antonin Pottier, Emmanuel Combert, Jean-Michel Cayla et Franck Nadaud

Par Louise Renier, Pierre-François Wigny, Laure Theunis, Agathe Kelecom

INTRODUCTION

Depuis fin 2018, suite à la hausse prévue de la taxe carbone, la France fait face au mouvement des gilets jaunes, qui réclame plus de justice sociale dans les politiques qui visent à mener la transition écologique. En effet, cette augmentation de taxe affecte le prix des carburants de voiture, mais pas de celui des avions par exemple, ce qui a fait monter la colère de beaucoup de français, victimes de cette augmentation de prix.

Dans ce cadre-là, l’article d’Antonin Pottier, coécrit avec Emmanuel Combert, Jean-Michel Cayla et Franck Nadaud, intitulé « Qui émet du CO2 ? Panorama critique des inégalités écologiques en France », fait une revue des inégalités d’émission de gaz à effet de serre (GES) en France. Plus précisément, il détaille, discute et porte un regard critique sur les conventions méthodologiques retenues pour le calcul de l’empreinte carbone d’un ménage.

Notamment, l’auteur met en lumière le lien entre règle d’attribution et une certaine conception de la responsabilité, en disant qu’il est important de bien comprendre la différence entre ces deux notions. Selon lui, les règles d’attribution retenues dans l’empreinte carbone se focalisent sur les contributions individuelles, ce qui occulte la composante collective des émissions de GES, et réduit indirectement l’importance des acteurs communs dans la transition écologique.

La suite de ce texte résume d’abord le contenu de l’article, formule certaines remarques à son sujet et enfin, présente la discussion que nous avons eue avec Antonin Pottier, lors de la présentation de cette critique.

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Discussion du document de travail « Low-carbon Transition Processes and their Reading of Justice: The Case of the Scenarios for a Low-Carbon Belgium » de Aurore Fransolet

Par Nicolas Claessens, Anna Heck, Lino Paoletti et Thomas Tillon

Photo by Andreas Link -Young FoEE via Flickr

Présentation de l’article

Le papier que nous avons choisi de traiter pour ce séminaire s’intitule « Low-carbon Transition Processes and their Reading of Justice: The Case of the Scenarios for a Low-Carbon Belgium ». Il nous a attiré car l’interprétation de ce qui est « juste » en matière de transition vers une société bas carbone est une question délicate. De fait, comme le rappelle l’auteure, Aurore Fransolet, les politiques de réductions d’émissions peuvent exacerber des inégalités existantes mais également en engendrer de nouvelles. Au-delà de la problématique morale que ces injustices posent, il s’agit de considérer également l’aspect pragmatique, étant entendu que le renforcement ou la création d’inégalités peuvent être contre-productifs pour atteindre les objectifs d’une transition vers une société bas-carbone. D’où un but communément admis d’opérationnaliser une transition juste, écologiquement et socialement soutenable. La justice est donc définie ensuite comme suit : “fair, equitable, and respectful treatment of humans, other species, and the environment”. L’auteure explore l’état de la question dans la littérature scientifique et thématise trois formes de justice : la justice environnementale, la justice climatique et la justice énergétique. La première s’adresse plutôt aux problèmes de pollutions locales et semble manquer d’une base conceptuelle forte menant à une pluralité des définitions de justice utilisées. La seconde notion de justice s’intéresse plutôt à la responsabilité, la vulnérabilité et la capacité d’agir associées à la crise climatique. Elle est, dès lors, plus globale et concerne les pays en voie de développement ainsi que les générations futures. La compréhension de la justice est cependant limitée à ces questions (climatiques et impacts sur le Sud), et subit le même écueil du manque d’une base conceptuelle partagée et menant donc à des interprétations diverses. La troisième forme de justice, plus récente, traite de l’accès à l’énergie, des infrastructures et services qui y sont liés et intègre donc une perspective socio-technique (qui diffère fort de l’approche plus socio-écologique des deux autres formes). Cependant, elle est fortement anthropocentrée et dominée par une vision occidentale, tout en excluant les formes d’injustices non-énergétiques. Cette présentation montre bien les limites respectives de ces approches, que certain.e.s chercheur.se.s ont voulu dépasser via une grille d’analyse incluant et connectant ces trois formes de justice au travers des dimensions spatiale et temporelle, et appelée « JUST » (Heffron & McCauley, 2018).

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Discussion du texte “Promoting discount scheme as nudge strategy to enhance environmental behaviour” de Julie Metta

Par Sokhna Aicha Thiam, Giada Ferrero, Guillaume Clerfayt, Sami El Rafei.

Introduction

Face à la crise climatique, plusieurs solutions sont envisagées par les académicien.ne.s et le monde politique. Parmi celles-ci, on retrouve le “nudge”, de l’anglais “petit coup de coude, encourager, pousser à” (Wordreference.com).  

Pour étudier le sujet, l’auteure se penche sur un cas particulier, celui de l’usage de tasses réutilisables dans les cafés. Les verres jetables constituent un fardeau pour l’environnement car ils sont difficiles à recycler et dans la plupart des pays, ils finissent dans des décharges. A l’heure actuelle, il n’existe pas de réelle réglementation contre ces verres. C’est pourquoi certaines récentes études favorisent les stratégies de “nudge” plutôt que les incitations financières. Les nudges fournissent une suggestion visant les consommateur.trice.s, sans les forcer pourtant à agir dans un tel sens de consommation.

Le travail de Julie Metta, intitulé Promoting discount scheme as nudge strategy to enhance environmental behaviour, étudie le phénomène suivant : comment les informations sur les incitations financières à amener son propre verre réutilisable en visant un groupe de personnes en particulier affecte un autre groupe de consommateur.trice.s. Ceux et celles menant leur propre verre réutilisable bénéficient d’une réduction tandis que ceux et celles ne l’amenant pas continuent de payer le prix normal. La communication concernant la réduction est considérée comme un nudge. Pour citer l’auteure, un nudge consiste à “implement policy without encountering to the consumer freedom. Nudges provide indirect suggestion to affect consumer choice. Policies are designed to incite individuals toward better choices without limiting their liberty” (Metta, 2020).

Dans cet étude, deux stratégies sont utilisées. Premièrement, une approche économétrique a estimé l’effet des régulations sur le comportement des  consommateur.trice.s. Deuxièmement, une analyse qualitative comparative a identifié les conditions nécessaires pour que les consommateur.trice.s utilisent des verres réutilisables.

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Discussions autour de l’éditorial “Le paradigme comportemental, un nouvel impérialisme économique ?”

Par Agathe Bigeard, Sophie Decock, Jeanne François et Chloé Van De Putte.

Introduction

L’économie néoclassique, courant dominant de notre société, base ses fondements sur les trois postulats suivants : les agents économiques sont rationnels (modèle de l’homo oeconomicus), ils agissent dans le but de maximiser leur utilité et leurs comportements sont étudiés selon la méthode de l’individualisme méthodologique (Capul et Garnier, 2011). Ces principes sont critiqués et la légitimité du courant mainstream à gérer les enjeux majeurs qu’affronte notre société actuellement est remise en cause. Dans les années 1970, un nouveau concept fait son apparition pour redorer l’image de l’économie néoclassique : l’économie comportementale. Toutefois, la naissance de ce nouveau courant serait pour certains tout aussi problématique et il semblerait que nous faisons face à un nouvel impérialisme économique.

Nous avons réalisé une critique de l’éditorial de Philippe Roman, chercheur en économie, intitulé “Le paradigme comportemental, un nouvel impérialisme économique ?”. Il a été publié dans « La Revue Française de Socio-économie » en 2019 et a été co-écrit par Igor Martinache et Géraldine Thiry. Dans ce papier, les auteurs formulent une critique de l’économie comportementale en deux axes : épistémologique et politique.

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Discussion de « Food cooperatives as diverse re-embedding forces: a multiple case study in Belgium »

Par Léa Badré, Déborah Van Hoecke et Marine Ronquetti.

Introduction

Il est désormais admis que le système alimentaire actuel, à savoir un système industriel, dominé par des logiques capitalistes est non seulement toxique pour les écosystèmes, les agriculteurs et la santé des population mais il est aussi vulnérable à l’instabilité du climat, à  la raréfaction des ressources et à sa structure même 2. Le constat du danger que représente la généralisation des monopoles et la centralisation du contrôle du système aux mains de quelques multinationales à générer des contres mouvements avec de nombreuses initiatives alternatives orientées solutions dont les coopératives alimentaires.

En se plaçant dans le paradigme de la Transition, le tout est de savoir dans quelles mesures ces coopératives alimentaires peuvent s’avérer de vrais moteurs de changement des logiques économiques dites « classiques »3. C’est ce que l’article Food cooperatives as diverse re-embedding forces: a multiple case study in Belgium cherche à évaluer en se basant sur un cadre théorique développé par Karl Polanyi.

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Discussion of Jonas Van der Slycken’s and Brent Bleys’ draft paper “A conceptual exploration and critical inquiry into the theoretical foundation(s) of economic welfare measures like the ISEW and GPI”.

By Hénaut Jeremy, Pardo González Juan Luis and Trausch Christophe.

 

On April 22, 2019, Jonas Van der Slycken, PhD student in Ecological Economics at the University of Gent, visited us to give some insight into the paper he’s working on at the moment, co-authored with his director of research Brent Bleys, assistant professor at the Faculty of Economics and Business Administration. The paper, entitled “A conceptual exploration and critical inquiry into the theoretical foundation(s) of economic welfare measures like the ISEW and GPI” is in line with their research on alternative indicators for economic welfare, such as the Index of Sustainable Economic Welfare (ISEW), that take into account the interconnectedness of the economic system and the natural environment. Brent Bleys has been compiling the ISEW for Flanders on a yearly basis as part of the Flanders Environment Report (MIRA) of the Flemish Environment Agency. The presentation of the paper was followed by a discussion and Q&A about the subject and form of the paper. The following is a summary of the paper and the ideas that came out of that discussion.

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Interaction autour du texte “Design features for social learning in transformative transdisciplinary research”

Par Neïla Ali-Chaouch, Luca Giancane et Noémi Royer.

Introduction

Notre travail a été réalisé sur le texte d’Agathe Osinski qui est doctorante à l’Université Catholique de Louvain. L’article en question « Design features for social learning in transformative transdisciplinary research » a été publié en octobre 2018 par Springer et co-écrit par Pauline Herrero et Tom Dedeurwaerdere. Comme le titre de l’article l’indique, celui-ci concerne l’interaction entre le principe de transdisciplinarité et celui de « social learning ». Autrement dit, c’est le principe de la participation entre scientifiques et non-scientifiques dans la compréhension de concepts ainsi que l’élaboration de projets afin de créer un apprentissage collectif. Le principe du « social learning » est défini dans le texte comme un « open-ended process of inquiry geared towards a broadening of the community of practice through social innovation  and  experimentation ».

L’étude analyse 20 projets transdisciplinaires. Le but est de comprendre les critères de base qui participent à un haut taux de « social learning » comme résultat final de ces différentes expériences. Cinq critères cotent chaque projet sur une échelle de 1 à 6, et en parallèle chaque projet obtient une note sur son taux de « social learning » sur base de cette même échelle. Selon les auteurs, trois critères fondamentaux ressortent de cette étude comme étant des conditions sine qua non pour obtenir un taux de « social learning » satisfaisant.

Plusieurs élèves de l’Université Libre de Bruxelles ont eu la chance d’interagir avec l’une des auteurs/rices; Agathe Osinski, sur les procédés utilisés, les choix qui ont guidé cette littérature et les éventuelles perspectives que ce travail représente.

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