Discussion du papier « Matter and regulation : socio-metabolic and accumulation regimes of French capitalism since 1948 » de Louison Cahen-Fourot et de Nelo Magalhães

Par Aurelia Vanandruel, Henry Van Stratum, Felix Chapelle

Le texte “Matter and regulation : socio-metabolic and accumulation regimes of French capitalism since 1948” de Louison Cahen Fourot et de Nelo Magalhães rend compte de leur travail descriptif dans un champ de recherche nouveau. Ils ont décidé d’associer deux approches qui sont celles de l’économie écologique via l’analyse des flux de matériaux et de la théorie de la régulation. A leurs yeux, l’économie écologique manquait d’une vision macro-économique, surtout institutionnaliste tandis que la théorie de la régulation a toujours ignoré les flux et stocks environnementaux. Le but de leurs recherches est d’étudier comment les dynamiques biophysiques et socio-économiques sont liées au niveau macro-économique ainsi qu’aux flux de matières. Ils ont constaté qu’il n’y avait pas de réelle dématérialisation – c’est-à-dire une baisse de consommation des matières – mais qu’en réalité les flux de matériaux ont été délocalisés. L’unique trajectoire qui connaît une faible dématérialisation est le pétrole grâce notamment au nucléaire français. Enfin, ils ont observé une correspondance des temporalités des régimes socio-métaboliques et d’accumulation. Ils donnent plusieurs raisons à cette corrélation: l’internationalisation du capitalisme français et la dépendance croissante du capitalisme français aux consommations intermédiaires des autres pays (dématérialisation de la production française). Ils concluent qu’il n’existe pas de réelle transition métabolique, mais qu’il s’agit plutôt d’une accumulation entre le fordisme et le néolibéralisme. 

Suite à la lecture de leur article, nous nous sommes posés plusieurs questions auxquelles M. Cahen Fourot a répondu. 

Dans un premier temps, nous nous sommes demandés pourquoi il avait choisi la théorie de la régulation comme une des approches. Il s’agit d’un choix théorique ainsi que scientifique. Bien qu’elle soit minoritaire en France, elle trouve de plus en plus d’échos au niveau international actuellement. De plus, elle offre un cadre d’analyse de long terme du capitalisme. 

La deuxième réflexion portait sur le régime socio-métabolique et sur la possibilité de l’émergence d’un nouveau régime. Selon l’auteur, il pourrait y avoir un nouveau régime socio-métabolique qui émerge aujourd’hui, car de plus en plus d’entreprises essayent d’intégrer la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, mais aussi car les critères environnementaux et climatiques sont progressivement intégrés dans la politique monétaire. Suite à ses recherches, il a relevé que les évolutions du régime monétaire ont entraîné des évolutions du régime d’accumulation, voire parfois même des changements.  

Dans son article, Louison Cahen Fourot montre quelle part des matières consommées par la France pour son économie provient de la France elle-même (propre extraction) et de l’étranger. Nous nous sommes demandés dans quelle catégorie se rangent les matières provenant des colonies françaises passées et les territoires d’outre-mer actuels. Les données utilisées pour leur étude concernait la France métropolitaine principalement, car à partir des années 60, la France ne possédait plus de colonies. Par après, les données des territoires d’outre-mer ont été incluses dans l’approche consommation. 

Nous avons relevé que l’approche par analyse des flux de matériaux donne une autre perspective sur le fonctionnement du capitalisme français et montre une forte dépendance à l’import de matières et une baisse des industries. Nous avons lié ceci avec la volonté de certains partis français de baser l’économie française sur le nationalisme et nous nous sommes posés la question sur la faisabilité d’un tel projet. Aux yeux de l’auteur, il n’est pas possible d’avoir une relocalisation domestique si la financiarisation n’est pas abandonnée. Il constate que pour les industries qui ont déjà été relocalisées en France, cela n’a pas créé d’emplois, car celles-ci étaient fortement automatisées. Il suggère de lier la relocalisation de la production avec des monnaies locales. 

Pour terminer, nous avons remarqué que l’auteur soulevait peu les aspects environnementaux liés à son étude. Ce dernier a répondu que dès qu’il était question de flux de matériaux, les impacts environnementaux sont forcément abordés. Il a ajouté que tant qu’il n’y aurait pas de dématérialisation, les impacts environnementaux ne diminueraient pas. 

Cet échange avec Louison Cahen Fourot s’est terminé avec une discussion avec l’ensemble des étudiants. Plusieurs points ont été abordés.  

Tout d’abord, l’auteur a évoqué l’existence d’autres travaux avec une approche par l’analyse des flux de matériaux. Ceux-ci se concentrent sur les pays à hauts revenus – à cause de la disponibilité des données – mais il en existe quelques-uns sur d’autres pays comme la Chine et certains des pays d’Amérique du Sud.  

Le choix des tonnes comme unité pour l’analyse des flux de matériaux réduit le poids du nucléaire. Le poids de l’uranium est faible alors qu’il est très utilisé en France. 

Pour finir, Louison Cahen Fourot explique que la baisse des émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne est due à l’amélioration des processus de production, mais surtout à la délocalisation. Il propose, pour diminuer les impacts environnementaux et climatiques, d’aller vers des logiques de recyclage et de réparation, en tenant compte du contexte économique actuel et du volontarisme de l’économie et de la population. Il a insisté sur le fait que si l’on veut changer l’économie et la population, il sera nécessaire d’interdire l’extraction de certaines matières. Un instrument puissant qui pourra être utilisé est la loi. Enfin, il souligne bien que cela doit se faire à l’échelle collective.