Discussion du texte “Promoting discount scheme as nudge strategy to enhance environmental behaviour” de Julie Metta

Par Sokhna Aicha Thiam, Giada Ferrero, Guillaume Clerfayt, Sami El Rafei.

Introduction

Face à la crise climatique, plusieurs solutions sont envisagées par les académicien.ne.s et le monde politique. Parmi celles-ci, on retrouve le “nudge”, de l’anglais “petit coup de coude, encourager, pousser à” (Wordreference.com).  

Pour étudier le sujet, l’auteure se penche sur un cas particulier, celui de l’usage de tasses réutilisables dans les cafés. Les verres jetables constituent un fardeau pour l’environnement car ils sont difficiles à recycler et dans la plupart des pays, ils finissent dans des décharges. A l’heure actuelle, il n’existe pas de réelle réglementation contre ces verres. C’est pourquoi certaines récentes études favorisent les stratégies de “nudge” plutôt que les incitations financières. Les nudges fournissent une suggestion visant les consommateur.trice.s, sans les forcer pourtant à agir dans un tel sens de consommation.

Le travail de Julie Metta, intitulé Promoting discount scheme as nudge strategy to enhance environmental behaviour, étudie le phénomène suivant : comment les informations sur les incitations financières à amener son propre verre réutilisable en visant un groupe de personnes en particulier affecte un autre groupe de consommateur.trice.s. Ceux et celles menant leur propre verre réutilisable bénéficient d’une réduction tandis que ceux et celles ne l’amenant pas continuent de payer le prix normal. La communication concernant la réduction est considérée comme un nudge. Pour citer l’auteure, un nudge consiste à “implement policy without encountering to the consumer freedom. Nudges provide indirect suggestion to affect consumer choice. Policies are designed to incite individuals toward better choices without limiting their liberty” (Metta, 2020).

Dans cet étude, deux stratégies sont utilisées. Premièrement, une approche économétrique a estimé l’effet des régulations sur le comportement des  consommateur.trice.s. Deuxièmement, une analyse qualitative comparative a identifié les conditions nécessaires pour que les consommateur.trice.s utilisent des verres réutilisables.

Résumé de l’article  

L’article porte sur une étude réalisé entre janvier 2018 et septembre 2019.  L’échantillon se base sur des observations structurées sur plus de 223 cafés de Hong Kong. Quant à la méthodologie des observations menées, il s’agit d’observations mêlant les questions qualitatives (Les cafés proposent une réduction ou pas ? Quel type de communication les coffee shop ont mis en place?) et  quantitatives (combien de discount?).

Les coffee shop choisis ont des caractéristiques communes : il s’agit de cafés où les boissons sont servies dans des gobelets jetables mais les consommateur.trice.s peuvent apporter leur tasse ou demander d’utiliser une tasse réutilisable (lavable).   

L’objectif de l’article est celui d’analyser les effets du nudging et ses conséquences sur le choix des consommateur.trice.s quant à l’usage des tasses réutilisables.  

Les instruments du nudging sont deux : d’un côté, une incentive financière (réduction du prix si les consommateur.trice.s amènent leur propre verre) et de l’autre, la communication quant à cette mesure.

L’objectif de l’étude est de vérifier si cette politique mise en place par les cafés est efficace : est-ce que leur stratégie de communication a  une influence sur le comportement des consommateur.trice.s ?

Ce qui a été observé est que le nudging a un effet aussi sur le groupe non visé par la communication. En effet, le coffee shop communique la réduction applicable aux personnes qui apportent leur tasse réutilisable, mais cela va influencer le comportement des consommateur.trice.s qui arrivent sans leur tasse à en utiliser plutôt une réutilisable.  

L’étude a montré plusieurs résultats. Les stratégies de nudging ont un pouvoir majeur d’influencer les consommateur.trice.s par rapport aux simples incentives financières (réduction sur la boisson). En plus, la communication “environment-friendly” a aussi un impact positif sur le comportement.  

Il reste à se demander pourquoi les cafés à Hong Kong n’encouragent pas l’usage des tasses réutilisables ? Dans l’article, plusieurs raisons sont énumérées, dont la plus importante réside dans l’hygiène : une partie de la population de Hong Kong porte sur elle le trauma de l’épidémie de SARS qui a eu lieu en 2003 (très actuel comme thème!).  Une autre cause peut être l’efficacité: les tasses jetables sont très pratiques pendant les heures de pointe. En outre, les tasses réutilisables apportées par les client.e.s ont toutes des tailles et volumes différentes, rendant la préparation des boissons moins efficace.  

Critiques  

Suite à la lecture de l’article, nous avons procédé à la critique de celui-ci en 5 étapes :  

Premièrement, à notre avis, le titre ne décrit pas assez bien l’article. Il pourrait être plus précis car, à une première lecture, on s’attend à un article sur l’efficacité du nudge en général alors qu’il parle d’un nudge en particulier.

Deuxièmement, nous avons analysé le résumé. Nous avons trouvé que le résumé est une très bonne synthèse de l’article.

Troisièmement, il y a l’introduction. La contextualisation de l’article est bien présente. Selon nous, il manquerait d’un chapitre reprenant l’état de l’art à propos du nudging et notamment les pros, les désavantages mais également les alternatives.  

Quatrièmement, en lisant la méthodologie, nous proposons deux remarque. D’une part, la méthodologie est si bien détaillée qu’elle fournit assez d’informations pour pouvoir être utiles à de futures recherches. La procédure a été bien définie, ainsi que les données et les collectes de données. Les stratégies ont été expliquées et développées. Nous trouvons que cet article est aisément compréhensible par un lecteur lambda. D’autre part, nous avons une remarque sur l’échantillonnage. Il n’y a pas eu d’études sur les cas suivant : les cafés avec une bonne communication eco friendly et les cafés surchargeant les « disposable cups » (internalisation des externalités environnementales).

Cinquièmement, dans la conclusion, les résultats ont clairement été présentés et analysés en profondeur permettant une réelle compréhension. Cependant, nous sommes un peu mitigé.e.s par rapport au manque de comparaison avec d’autres études. Malgré le fait que l’auteure précise bien l’absence d’étude détaillée, l’article ne soutient ni ne contredit des théories précédentes à ce sujet. Ensuite, l’article nous a permis de juger la pertinence du nudging et à la vue de la conclusion. Cependant, cela nous a laissé un peu perplexes concernant son efficacité. Nous avons vu au long de l’article que la communication était la meilleure incitation, d’où nos doutes sur les effets du nudging. Enfin, dans le texte, il est pertinent de constater que les questions d’éthiques entourant le nudging ne sont pas abordées. Pourtant, ces questionnements se sont posés lors de la lecture.  

Discussion  

Nous avons mené une discussion suite à la présentation de l’auteure et avons mis en évidence notre analyse de l’article. Une séance de questions-réponses nous a ainsi permis d’avoir des éclaircissements du point de vue de l’auteure mais cela a aussi permis aux autres membres du cours de participer à la discussion. Julie Metta nous précise que son travail n’a pas encore été confronté à la critique de ses paires. Nous lui avons de notre côté révélé que nous ne nous étions pas attardé sur la qualité de son analyse statistique. La discussion a alors été l’occasion de revenir sur la pertinence de l’échantillonnage et sur la viabilité de ses conclusions.

A la fin de l’introduction l’auteure a mentionné que les résultats ont un gros potentiel pour prendre des mesures. Notre première question se basait donc sur ce potentiel et nous voulions savoir dans quels autres domaines il serait intéressant de prendre des mesures telles que présentées dans le papier. Julie Metta nous a fait comprendre en effet que les résultats pourraient engendrer la conception de politiques au delà du cas présenté et que le nudge reste efficace tout de même. Il serait donc intéressant que celuici soit utilisé dans d’autres situations.

Ensuite, la deuxième question portait sur la problématique concernant l’hygiène et le traumatisme que la population a vécu pendant et après l’épisode de contamination du SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) de 2003. A cela s’est ajouté une pandémie qui a débuté en Chine (Covid-19) et nous avons considéré que cette situation constituerait un obstacle pour inciter les gens à utiliser des tasses réutilisables. Nous avons donc demandé si ce n’était pas une opportunité pour l’Etat de mettre en place des réformes afin que les normes d’hygiènes soient respectées et inciter la population à être plus « eco friendly » en termes de consommation. Julie Metta a en effet fait savoir que ce serait une occasion pour mettre en place des réformes pour le respect de l’hygiène et encourager la population à consommer « eco friendly ». Néanmoins la situation du Covid-19 pourrait accentuer le traumatisme de la population et être une contrainte pour l’usage des tasses réutilisables dans les coffee shop.

Enfin, la troisième question abordait l’élément central de l’article : le nudge, et plus précisément la confrontation entre nudge et incitation financière dans l’article. Le nudge est plus efficace que les incitations financières. Nous pensons que ce n’est peut-être pas si évident que cela. Pour en être certain.e.s, ne faudrait-il pas s’assurer que le discount était optimal et qu’il s’agissait bien de la meilleure option du genre. Cette remarque ne semble pas affecter l’auteure : elle nous explique à nouveau que le discount importe peu si ce n’est que par sa communication aux client.e.s des coffee shop.

Nous avons donc questionné si tout nudge est plus efficace que l’incitation financière et si toute forme de communication pourrait être considérée comme un nudge. Nous avons aussi voulu savoir si le discount étudié n’était pas optimal suit à ce passage de l’article “I observe that nudges have higher effects than financial instruments on consumer behavioural change”. L’auteure a d’abord rappelé ce qu’est le nudge, puis elle a précisé que toute forme de communication n’est pas considérée comme un nudge. Selon Julie Metta, le nudge est un outil qui peut s’avérer être efficace et que l’on devrait pour cela prendre en compte.

Des questions sur la méthodologie de l’article ont été posées par l’audience. Julie Metta y répondu avec beaucoup d’assurance, comme cela a été le cas tout au long de la discussion. L’une des questions revenait sur la capacité de la chercheuse à déterminer la classe sociale des individus. La prise en compte du quartier permet d’estimer le niveau social des client.e.s du coffee shop. Une seconde intervention posa la question de l’absence du « take away » dans les données de recherche. L’auteure rappelle à nouveau que la situation post-SARS à Hong-Kong amène suffisamment de personnes à commander des gobelets jetables dans le cas même de consommations sur place. Une attitude éloignée de celle généralement observable en Occident.  

La discussion avec l’auteure de l’article fut intéressant. Nous pensons que l’article est d’un réel intérêt pour la recherche de changement de comportement. Nos questions relevaient plus d’incompréhensions que de réelles critiques et nos remarques n’avaient pas vocation à mettre en cause l’essence de son travail.Julie Metta a confiance en son travail, cela c’est ressenti. C’est peut-être là, la leçon que nous devons en tirer.  

Sources

METTA J., “Promoting discount scheme as nudge strategy to enhance environmental behaviour”, Research Group Sustainable Development, HIVA, KU Leuven, Belgium, DRAFT version of 14 March 2020. WORDREFERENCE, https://www.wordreference.com/enfr/nudge